Né à Paris en 1842, Mallarmé est très tôt confronté à la puissance du néant, avec la mort de sa mère, puis de sa sœur Marie en 1857, dont il ne se remettra jamais. À 20 ans, il part pour Londres avec Marie Gerhard, une jeune allemande rencontrée à Sens où il est pensionnaire, et qu’il épouse en 1863. Il découvre les peintres préraphaélites et la vie précaire des jeunes idéalistes, qui le pousse à rentrer en France. Il devient alors professeur d’anglais dans l’Ardèche; impopulaire et chahuté, il n’exerce son métier que pour des émoluments qui suffisent à peine à nourrir sa famille. Cette première cruelle expérience lui inspire un jeu de mot qui résume sa vie: Art et Dèche.


Mais il y la poésie, et la lecture de Poe et Baudelaire, ses maîtres, dont il célèbre le génie créateur. Quête de l’inaccessible, fuite vers des contrées exotiques sont des thèmes baudelairiens qu’il reprend dans ses premiers poèmes, publiés dans le Parnasse contemporain à partir de 1866. Entre les problèmes d’argent et l’angoisse de la stérilité, ses recherches évoluent progressivement vers une écriture plus personnelle. Sensualité et mort peuplent son univers, avec L’Après-midi d’un faune (illustré par Manet et mis en musique par Debussy en 1894) et Hérodiade en 1871, qu’il reprendra quelque vingt ans plus tard. Œuvres d’une vie, ces deux pièces sont les premiers et uniques fragments d’un projet ambitieux qui n’aboutira pas: le grand Livre, la composition totale.


Peu connu du public, mais reconnu par Verlaine comme un "poète maudit", Mallarmé devient le chef de fil de l’école symboliste, et reçoit chez lui, au cours des célèbres "mardis" de la rue de Rome, Zola, Leconte de Lisle, Rodenbach… ainsi que les jeunes disciples Valéry et Claudel. Dans les dernières années de sa vie, il donne des cours très hermétiques sur le symbolisme (Crise de vers, Le Mystère dans les Lettres, La Musique et les Lettres en 1895) et Un coup de dés jamais n’abolira le hasard en 1897. S’appuyant sur un nouveau langage poétique lui-même fondé sur le pouvoir de l’évocation, sa poésie reste indéchiffrable à bien des égards. "Peindre non la chose, mais l’effet qu’elle produit"; tel était le parti pris du poète inventeur de l’"idée poétique", qui, par le rôle qu’il a fait jouer à la suggestion, est aujourd’hui considéré comme le plus grand animateur du mouvement symboliste.