À vrai dire, ce jeune homme, Antoine, est encore dans l'ancien monde : la fin des années trente, la débâcle, l'Occupation, la Libération et Saint-Germain-des-Prés, dont il sera une des figures. Un père, le grand critique musical de l'entre-deux-guerres, envahissant et aimé, aussi égoïste que charmant, volage par-dessus le marché, domine sa vie jusqu'au jour où, imprudent chroniqueur de la presse collaboratrice, il doit fuir en Suisse. Entre temps, Antoine aura connu des passions incertaines, tâté du droit, appris le cynisme dans le journalisme à scandale de l'après-guerre. Son père mort, il se sent libre pour la première fois. L'Amérique est là, qui l'attire comme tant d'autres. Il y partira avec Jane, la girl rousse du Lido qu'il aime, sans être sûr que cet amour soit partagé, délaissant Madeleine, la libraire bas-bleu, qui savait si bien lui compliquer la vie. Voici donc une variation nouvelle sur les thèmes – toujours recommencés – de l'apprentissage, de l'éducation sentimentale, du meurtre du père, du départ, dans le cadre, ici, d'une période historique qui ne cesse de nous fasciner. Jean-François Hauduroy la développe avec une fraîcheur, de sensibilité et d'humeur qui ne doivent qu'à lui – même si, par le charme de son écriture, il s'inscrit tout naturellement dans cette veine heureuse et vive où se sont illustrés ceux qu'on a appelés les hussards.